lundi 5 novembre 2018

La vengeance d'un horloger senlisien

JANINET, Jean-François (1752-1814), Événement du 13 décembre 1789 : vengeance affreuse d'un nommé Billon, horloger, à Senlis, estampe, Paris, 1789-1791. Appartient à l’ensemble documentaire : Est18Rev1. Collection numérique : Fonds régional : Picardie.
Source : Bibliothèque nationale de France, département Estampes et photographie, RESERVE QB-370 (18)-FT 4.

Pour l'événement qui va suivre, nous partons à Senlis dans l'Oise entre 1788 et plus particulièrement 1789. Le personnage central est un horloger du nom de Louis Michel Rieul Billon, né en 1750 dans cette même ville. Nous sommes en 1788. Billon est un homme apprécié par ses amis du café Gagneux qui soulignent surtout son esprit mélancolique. L'un de ses plus proches amis, Desroques de la Compagnie de l'Arquebuse, souhaitant le distraire, lui propose de faire partie de ladite Compagnie. Après hésitation, Billon accepte, voyant son caractère honorifique.

Au début de l'année 1789, l'image de l'horloger se dégrade aux yeux des habitants de Senlis, suite à une affaire d'argent qui tourne en sa défaveur. Billon est désormais vu comme usurier, "une sangsue des pauvres". Il ressent un profond sentiment d'injustice à la suite de cet épisode. Apprenant cela, le commandant de la Compagnie de l'Arquebuse décide, après un vote, d'expulser Billon de la Compagnie, ne voulant pas que l'honneur de celle-ci en pâtisse. Cependant, le concerné n'est prévenu que le lendemain de cette décision, alors qu'il se rend à la Compagnie. Il cherche par la suite à comprendre et à se défendre mais le Commandant refuse de le recevoir. Face à cette seconde injustice, Billon se retire dans sa maison, plein de haine. C'est durant cette période que, doucement, il pense à se venger.

Le 13 décembre 1789 doit se tenir un cortège pour faire bénir les drapeaux de la nouvelle milice nationale à Senlis. Le départ du défilé se situe à l'Hôtel-de-Ville et il doit se terminer à la Cathédrale. Deux chemins peuvent être empruntés, l'un passant par des rues étroites et peu pratiques, l'autre, rue de Châtel, bien plus large et droit. Or la maison de Billon se trouve justement à l'angle de la rue de Châtel. Il voit alors cet événement comme une bonne opportunité pour mettre au point sa vengeance.
Durant le mois de juillet 1789, Billon voyage beaucoup dans le pays et ramène de ses séjours des paquets mystérieux. Il fait également des commandes auprès d'un menuisier. Se fiant à son instinct, sa femme tente de l'interroger mais n'obtient aucune réponse de son mari. Son inquiétude grandit lorsqu'elle le surprend à s'occuper de ses armes, notamment de son fusil de chasse. Cette fois, Billon lui répond que c'est simplement pour se préparer à une quelconque attaque, au vu du climat particulier de cette période.

Billon parfait sa vengeance durant des mois, jusqu'au jour du défilé. Le matin, bien avant le départ du cortège, Billon se rend à l'Hôtel-de-Ville et entame une discussion avec M. Hamelin, commandant de la deuxième division de la cavalerie. Il se plaint de l'injustice dont il a été victime, justifiant le fait qu'il ne participera pas au défilé. Après s'être assuré que le cortège passera par la rue de Châtel, il rentre chez lui et envoie sa femme et sa servante voir le défilé. Quant à ses amis proches, il leur a conseillé de rester loin du cortège, donnant l'excuse d'un mauvais pressentiment. Il était davantage inquiet pour son ami Desroques. Celui-ci étant malade, Billon en a profité pour lui faire promettre qu'il ne sortira pas de chez lui.

A midi, l'horloge de l'Hôtel-de-Ville annonce le départ du cortège. Ce dernier est constitué d'un détachement de la cavalerie nationale, des corps de l'Arquebuse et de l'Arc, de la Compagnie des Royalistes-fusiliers accompagnée d'officiers municipaux, de hoquetons et de valets de ville au troisième rang. Viennent ensuite l’État-major de la milice nationale dont le commandant porte le drapeau, une escorte de 50 hommes des différents corps des troupes nationales, quatre Compagnies de fusiliers-nationaux et la Compagnie des chasseurs qui ferme le cortège.

Billon s'enferme chez lui, s'installe dans son cabinet avec des arquebuses, des carabines et des fusils de chasse chargés. Quand il entend la foule arriver, il se poste à sa fenêtre avec son arquebuse. Le premier coup est donné. La foule croit tout d'abord que c'est un accident mais lorsque la première victime de Billon s'effondre, le cortège constate que sa blessure ne peut être qu'un assassinat. Le deuxième coup de feu est tiré et la panique gagne le défilé. Un homme s'aperçoit que les coups de feu viennent de la maison de Billon. Il tente alors de lui tirer dessus mais Billon riposte et manque de le blesser. On ordonne à M. Hamelin d'aller chez Billon et, suivi de la cavalerie, des chevaliers de l'Arquebuse et de l'Arc, des Royalistes-fusiliers et des chasseurs, Hamelin essaye d'entrer.

Pendant ce temps, les coups de feu continuent de retentir et Billon fait de nouvelles victimes. Il réussit à tuer le commandant de l'Arquebuse qui l'avait expulsé de la Compagnie. La porte de sa maison finit par lâcher et tous s'y engouffrent. Ils atteignent une porte barricadée de l'intérieur, réussissent encore à entrer après quelques efforts, mais se retrouvent face à un incendie. Billon, de son côté, veut se replier dans son grenier. Il profite toutefois de sa position avantageuse pour tirer une nouvelle fois sur les hommes qui le cherchent. Il fait une victime supplémentaire mais l'un des hommes réussit à l'attraper. Billon se défend, le repousse et monte les escaliers qui mènent au grenier.
D'autres essayent d'éteindre l'incendie mais sont désormais face à un nouveau danger : une caisse pleine de poudre. Dans l'escalier, Billon se fait de nouveau attraper. Une explosion les interrompt tous, blesse grièvement Billon et l'homme, nommé de la Bruyère, qui le tenait. L'auteur de l'attentat est toujours vivant mais la Compagnie des chasseurs l'achève tandis que de la Bruyère est emmené pour être soigné. Malgré la gravité de toutes ses blessures, il guérit. Pour sa bravoure, il reçoit de Louis XVI, la croix de Saint-Louis ainsi qu'une pension annuelle.

L'explosion a été si forte que 66 maisons ont été touchées. Quant au nombre de victimes, il s'élève à 26 morts et 41 blessés.


Sources :

-FOUQUIER, A., Le récit détaillé de "l’attentat de l’horloger Billon" en 1789 suivi d’une dissertation sur le jugement de l’affaire, collection intitulée Causes célèbres, Paris, éd. Lebrun, [s.d. (après 1855)]. (Réf. BM de Senlis : Fonds local Br. Senlis 9).
-MARICOURT, André de, Extr. de Lectures pour tous, revue universelle illustrée, n°10, 1912 (juillet), Hachette, 1912, p.841-848. (Réf. Bibliothèque municipale de Senlis : Réserve).
-Voir aussi : Archives départementales de l'Oise : Sous-série 1 C (Administrations provinciales) 1 Cp 822 : État des victimes de l'attentat de Billon (1790).



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