Pour
l'événement qui va suivre, nous partons à Senlis dans l'Oise entre
1788 et plus particulièrement 1789. Le personnage central est un
horloger du nom de Louis Michel Rieul Billon, né en 1750 dans cette
même ville. Nous sommes en 1788. Billon est un homme apprécié par
ses amis du café Gagneux qui soulignent surtout son esprit
mélancolique. L'un de ses plus proches amis, Desroques de la
Compagnie
de l'Arquebuse, souhaitant le distraire, lui propose de
faire partie de ladite Compagnie. Après hésitation, Billon accepte,
voyant son caractère honorifique.
Au
début de l'année 1789, l'image de l'horloger se dégrade aux yeux
des habitants de Senlis, suite à une affaire d'argent qui tourne en sa défaveur. Billon est désormais vu
comme usurier, "une sangsue des pauvres". Il ressent un profond sentiment d'injustice à la suite
de cet épisode. Apprenant cela, le commandant de la Compagnie de
l'Arquebuse décide, après un vote, d'expulser Billon de la
Compagnie, ne voulant pas que l'honneur de celle-ci en pâtisse.
Cependant, le concerné n'est prévenu que le lendemain de cette
décision, alors qu'il se rend à la Compagnie. Il cherche par la
suite à comprendre et à se défendre mais le Commandant refuse de
le recevoir. Face à cette seconde injustice, Billon se retire dans
sa maison, plein de haine. C'est durant cette période que,
doucement, il pense à se venger.
Le 13
décembre 1789 doit se tenir un cortège pour faire bénir les
drapeaux de la nouvelle milice nationale à Senlis. Le départ du
défilé se situe à l'Hôtel-de-Ville et il doit se terminer à la
Cathédrale. Deux chemins peuvent être empruntés, l'un passant par
des rues étroites et peu pratiques, l'autre, rue de Châtel, bien
plus large et droit. Or la maison de Billon se trouve justement à
l'angle de la rue de Châtel. Il voit alors cet événement comme une
bonne opportunité pour mettre au point sa vengeance.
Durant
le mois de juillet 1789, Billon voyage beaucoup dans le pays et
ramène de ses séjours des paquets mystérieux. Il fait également
des commandes auprès d'un menuisier. Se fiant à son instinct, sa
femme tente de l'interroger mais n'obtient aucune réponse de son
mari. Son inquiétude grandit lorsqu'elle le surprend à s'occuper de
ses armes, notamment de son fusil de chasse. Cette fois, Billon lui
répond que c'est simplement pour se préparer à une quelconque
attaque, au vu du climat particulier de cette période.
Billon
parfait sa vengeance durant des mois, jusqu'au jour du défilé. Le
matin, bien avant le départ du cortège, Billon se rend à l'Hôtel-de-Ville et entame une discussion avec M. Hamelin, commandant de la
deuxième division de la cavalerie. Il se plaint de l'injustice dont
il a été victime, justifiant le fait qu'il ne participera pas au
défilé. Après s'être assuré que le cortège passera par la rue
de Châtel, il rentre chez lui et envoie sa femme et sa servante voir
le défilé. Quant à ses amis proches, il leur a conseillé de
rester loin du cortège, donnant l'excuse d'un mauvais pressentiment.
Il était davantage inquiet pour son ami Desroques. Celui-ci étant
malade, Billon en a profité pour lui faire promettre qu'il ne
sortira pas de chez lui.
A
midi, l'horloge de l'Hôtel-de-Ville annonce le départ du cortège.
Ce dernier est constitué d'un détachement de la cavalerie
nationale, des corps de l'Arquebuse et de l'Arc, de la Compagnie des
Royalistes-fusiliers accompagnée d'officiers municipaux, de
hoquetons et de valets de
ville au troisième rang. Viennent ensuite l’État-major de la
milice nationale dont le commandant porte le drapeau, une escorte de
50 hommes des différents corps des troupes nationales, quatre
Compagnies de fusiliers-nationaux et la Compagnie des chasseurs qui
ferme le cortège.
Billon
s'enferme chez lui, s'installe dans son cabinet avec des arquebuses,
des carabines et des fusils de chasse chargés. Quand il entend la
foule arriver, il se poste à sa fenêtre avec son arquebuse. Le
premier coup est donné. La foule croit tout d'abord que c'est un
accident mais lorsque la première victime de Billon s'effondre, le
cortège constate que sa blessure ne peut être qu'un assassinat. Le
deuxième coup de feu est tiré et la panique gagne le défilé. Un
homme s'aperçoit que les coups de feu viennent de la maison de
Billon. Il tente alors de lui tirer dessus mais Billon riposte et
manque de le blesser. On ordonne à M. Hamelin d'aller chez Billon
et, suivi de la cavalerie, des chevaliers de l'Arquebuse et de l'Arc,
des Royalistes-fusiliers et des chasseurs, Hamelin essaye d'entrer.
Pendant
ce temps, les coups de feu continuent de retentir et Billon fait de
nouvelles victimes. Il réussit à tuer le commandant de l'Arquebuse
qui l'avait expulsé de la Compagnie. La porte de sa maison finit par
lâcher et tous s'y engouffrent. Ils atteignent une porte barricadée
de l'intérieur, réussissent encore à entrer après quelques
efforts, mais se retrouvent face à un incendie. Billon, de son côté,
veut se replier dans son grenier. Il profite toutefois de sa position
avantageuse pour tirer une nouvelle fois sur les hommes qui le
cherchent. Il fait une victime supplémentaire mais l'un des hommes
réussit à l'attraper. Billon se défend, le repousse et monte les
escaliers qui mènent au grenier.
D'autres
essayent d'éteindre l'incendie mais sont désormais face à un
nouveau danger : une caisse pleine de poudre. Dans l'escalier,
Billon se fait de nouveau attraper. Une explosion les interrompt tous, blesse
grièvement Billon et l'homme, nommé de la Bruyère, qui le tenait.
L'auteur de l'attentat est toujours vivant mais la Compagnie des chasseurs l'achève tandis que de la Bruyère est emmené pour être
soigné. Malgré la gravité de toutes ses blessures, il guérit.
Pour sa bravoure, il reçoit de Louis XVI, la croix de Saint-Louis
ainsi qu'une pension annuelle.
L'explosion
a été si forte que 66 maisons ont été touchées. Quant au nombre
de victimes, il s'élève à 26 morts et 41 blessés.
Sources :
-FOUQUIER, A., Le
récit détaillé de "l’attentat de l’horloger Billon"
en 1789 suivi d’une dissertation sur le jugement de l’affaire,
collection intitulée Causes célèbres, Paris, éd. Lebrun, [s.d.
(après 1855)]. (Réf. BM de Senlis : Fonds local Br. Senlis 9).
-MARICOURT, André
de, Extr. de Lectures pour tous, revue universelle illustrée,
n°10, 1912 (juillet), Hachette, 1912, p.841-848. (Réf. Bibliothèque
municipale de Senlis : Réserve).
-Voir aussi :
Archives départementales de l'Oise : Sous-série 1 C
(Administrations provinciales) 1 Cp 822 : État des victimes de
l'attentat de Billon (1790).
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